Des manifestants ont investi vendredi le siège du Parlement libyen à Tobrouk, dans l’est du pays, pour protester contre la détérioration des conditions de vie et l’incurie de leurs dirigeants, au lendemain de l’échec d’un nouveau round de négociations entre camps rivaux.
Des manifestants ont pénétré à l’intérieur du bâtiment et commis des saccages, selon plusieurs chaînes de télévision et des médias. Des images diffusées montrent d’épaisses colonnes de fumée noire se dégageant du périmètre de la bâtisse après que les protestataires en ont brûlé des pneus et une partie du bâtiment. Des voitures de députés ont été incendiées.
Des engins de chantier sont également arrivés et ont défoncé des pans des murs du bâtiment.
D’autres manifestants, dont certains brandissaient des drapeaux verts de l’ancien régime de Mouammar Kadhafi, jetaient en l’air des documents qu’ils ont récupérés dans les bureaux.
Le Premier ministre du gouvernement basé à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, a pour sa part assuré sur Twitter « joindre sa voix » à celle des contestataires, appelant à la tenue d’élections.
« Nous devons reconnaître notre échec et nous retirer immédiatement de la scène politique », a affirmé un député, Balkheir Alshaab, cité par la chaîne Libya al-Ahrar.
« J’appelle mes collègues députés ainsi que les membres du Conseil d’Etat (Chambre haute) à démissionner collectivement pour respecter la volonté du peuple libyen et préserver la stabilité de la Libye », a renchéri un autre élu, Ziad Dgheim, cité par le même média.
Deux gouvernements se disputent le pouvoir depuis mars: l’un basé à Tripoli et dirigé par Abdelhamid Dbeibah depuis 2021 et un autre conduit par Fathi Bachagha et soutenu par le Parlement de Tobrouk et le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est.
Des scrutins présidentiel et législatif devaient initialement se tenir en décembre 2021 en Libye, pour couronner un processus de paix parrainé par l’ONU après des violences en 2020.
Mais ils ont été reportés sine die en raison de fortes divergences entre rivaux politiques et des tensions sur le terrain.
Le dernier round de pourparlers menés à l’ONU entre les présidents des deux chambres rivales a pris fin jeudi sans accord sur un cadre constitutionnel permettant la tenue d’élections.
Les négociations étaient menées par le président de la Chambre des représentants de Tobrouk Aguila Saleh et le président du Haut Conseil d’Etat basé à Tripoli Khaled el-Mechri.
D’autres manifestations similaires ont eu lieu vendredi à Tripoli et dans d’autres villes libyennes.
Par ailleurs, la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) avait annoncé jeudi des pertes de plus de 3,5 milliards de dollars résultant de la fermeture forcée de sites pétroliers majeurs depuis mi-avril, et décrété l’état de « force majeure » sur certaines installations.
Selon la NOC, la production a « fortement chuté » et les exportations tombées entre « 365.000 et 409.000 b/j, soit une perte de 865.000 b/j » par rapport à la production moyenne d’avant avril. A cela s’ajoutent des pertes de 220 millions de m3 de gaz quotidiennement, pourtant nécessaires à l’approvisionnement du réseau électrique.
La baisse de la production de gaz participe aux coupures d’électricité chroniques que connait la Libye et qui durent une douzaine d’heures quotidiennement.
« Des manifestations populaires ont éclaté à travers la Libye en signe d’exaspération face à la détérioration de la qualité de vie et la crise politique et ceux qui en sont à l’origine ainsi que l’ONU qui s’est prêtée à leur jeu », a écrit sur Twitter l’analyste Tarek Megrisi, du Conseil européen des relations internationales (ECFR).