Le patron de presse algérien Ihsane El Kadi, interpellé il y a une semaine dans le cadre d’une enquête pour collecte illégale de fonds et atteinte présumée à la sûreté de l’Etat, a été placé jeudi en détention provisoire sur décision d’un juge d’instruction, rapporte un communiqué de la Cour d’Alger.
El Kadi est responsable de la station algérienne «Radio M» et du site d’information «Maghreb Emergent». Son placement en détention provisoire a fait réagir des ONG, comme lors de son arrestation qui était accompagnée par la mise sous scellés des locaux abritant ses médias.
Reporters Sans Frontières (RSF) considère la décision de la justice comme «l’aboutissement d’une longue persécution et d’un harcèlement judiciaire sans fin dont l’objectif évident est de faire taire un des derniers médias algériens encore ouvert au libre débat et à la critique».
Pour son représentant en Afrique du Nord, Khaled Drareni, «en décidant de placer Ihsane El Kadi en détention, les autorités ont clairement choisi d’aller jusqu’au bout de leur logique autoritaire pour museler les médias et adresser un message lourd à ceux qui continuent de défendre la liberté d’informer».
Selon la Cour d’Appel, le journaliste est soupçonné «d’avoir reçu des sommes d’argent et des privilèges de la part de personnes et d’organisations dans le pays et à l’étranger afin de se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat et sa stabilité».
Maghreb Emergent a déclaré que son patron est poursuivi en vertu de l’article 95 bis qui prévoit une peine de prison de cinq à sept ans pour «quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage (…) pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État … ».
Quant à Radio M, qui a relayé une pétition pour sa libération, elle dénonce un «acharnement politique, policier et judiciaire sans précédent» contre el-Kadi qui a déjà été condamné à 6 mois de prison, en juin dernier, pour un article d’opinion.
El-Kadi «paie sans doute le prix de ses articles critiques envers les autorités et de l’indépendance des médias qu’il dirige», a estimé RSF qui classe l’Algérie à la 134e place (sur 180) dans son classement mondial de la liberté de la presse 2022.