Plusieurs citoyens algériens témoignent d’une expérience troublante lorsqu’ils tentent de voyager à l’étranger. Ils sont retenus pendant de longues périodes à l’aéroport, voire empêchés de quitter le pays, sans qu’aucune explication claire ne leur soit fournie quant aux motifs de cette mesure, selon une note d’information du site middleeasteye.net.
Un exemple récent de cette situation a été partagé par Abderrazak Makri, ancien président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), via son compte Facebook. Makri a révélé qu’il s’était vu interdire de se rendre au Qatar et en Malaisie pour participer au Forum de Kuala Lumpur, un rassemblement de personnalités politiques islamistes telles que le président turc Recep Tayyip Erdoğan et l’ancien Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad.
Son objectif était de participer à des rencontres de soutien à la cause palestinienne. Cette restriction est survenue alors même que Makri est également considéré comme un candidat potentiel à l’élection présidentielle algérienne de décembre 2024.
Interrogé à ce sujet par Middle East Eye le 15 janvier, son entourage a déclaré qu’il était toujours en train de chercher à comprendre les raisons de cette décision.
Cette situation n’est pas unique à Makri. Des centaines d’activistes, de journalistes, d’hommes d’affaires et de politiciens se voient également frappés par une interdiction de quitter le territoire national, sans qu’aucune décision de justice ne soit prononcée à leur encontre.
Marzoug Touati, qui gère un site d’informations sur les atteintes aux libertés, a lui-même découvert en 2022 qu’il ne pouvait pas quitter le pays. De même, Wafia, gérante d’une agence de voyage, a été refoulée à la frontière algéro-tunisienne alors qu’elle devait accompagner un groupe de touristes pour le réveillon du Nouvel An en Tunisie.
Ces restrictions de voyage laissent les personnes concernées dans l’incertitude, ce qui a des répercussions importantes. Certains Algériens, notamment ceux vivant à l’étranger, dissuadés de rentrer au pays, sont découragés par ces incidents.
Ahviv Mekdem, un militant proche des milieux autonomistes kabyles, craint de retourner en Algérie et d’être arrêté par les forces de sécurité. Il n’a pas pu assister à l’enterrement de sa mère, décédée le 30 décembre. De même, une autre activiste, qui n’a pas de affiliation politique particulière, témoigne de sa peur de voyager pour rendre visite à son père gravement malade, craignant pour sa sécurité, malgré son absence de lien avec le mouvement kabyle.
Parmi les Algériens de la diaspora réticents à retourner au pays, on compte des personnalités bien connues comme Saïd Sadi, qui vit en France. Selon son entourage, Sadi est mentionné sur l’une des trois listes concernées par ces interdictions de voyage, et il n’est pas retourné en Algérie depuis 2019.
Les autorités algériennes n’ont jusqu’à présent pas abordé officiellement cette question. Cependant, lors de sa visite en Algérie en décembre, la rapporteuse des Nations unies pour les défenseurs des droits de l’homme, Mary Lawlor, a soulevé ce sujet.
Dans son rapport préliminaire rendu public le 5 décembre, elle a recommandé au gouvernement algérien d’abolir l’utilisation des interdictions de sortie du territoire national pour restreindre les déplacements des défenseurs des droits de l’homme à l’étranger.
L’existence de ces interdictions de sortie du territoire national dans la législation algérienne n’est pas nouvelle, mais leur utilisation s’est généralisée depuis le mouvement Hirak.