Vieillissement du verger, aléas climatiques, libéralisation mal ficelée, manque d’investisseurs étrangers… Rien ne va plus pour la filière café, qui peine à franchir le cap de l’industrialisation.
Les Burundais se seraient bien contentés de cultiver leurs jardins. De récolter des haricots secs, dont ils sont les premiers consommateurs au monde, plutôt que du café qu’ils ne boivent pas. Pourtant, depuis les années 1950, la logique coloniale a fait du Burundi l’un des principaux producteurs d’arabica du continent. Au point que la petite cerise rouge fait office de baromètre socio-économique du pays.
La filière emploie directement 55 % de la population active (plus de 4 millions de personnes) et contribue chaque année à 60 % des recettes d’exportation nationales. Autant dire que depuis sa privatisation, encouragée par la Banque mondiale, en 2008, son évolution a été scrutée de très près. Pour un résultat jusque-là plutôt « décevant », de l’aveu même de Tabu Abdallah Manirakiza, le ministre des Finances et de la Planification.
Comme souvent, les petits paysans, qui, à l’origine, devaient être les premiers bénéficiaires de la réforme, « en paient aujourd’hui le prix », déplore Tocoma Sy, représentant de l’ONG belge Broederlijk Delen. « Nous travaillons à perte. Il faudrait que le prix du kilo soit deux fois plus élevé pour que nous puissions espérer gagner de l’argent », confirme un caféiculteur de la région de Ngozi (Nord), qui regrette que l’État ne fixe aucun prix minimum garanti.
En outre, le cultivateur se trouve dépossédé de sa récolte dès la station de lavage, confiée au secteur privé. « Ce n’est donc plus lui qui décide quand remettre son café au négociant, en fonction des fluctuations des cours », explique un cadre de la Confédération nationale des associations de caféiculteurs (Cnac).
Parce que sa libéralisation a été mal préparée et mal menée, la filière caféicole burundaise risque de rater le virage – ô combien crucial – de la transformation industrielle. Lors de la mise en vente des premiers lots de stations de lavage, les investisseurs ne se sont pas bousculés au portillon.