L’ONG Human Rights Watch (HRW) s’en est pris, ce mardi, dans un communiqué, à un décret sur la cybercriminalité en Tunisie datant de 2022 qui, au lieu de renforcer la lutte contre la cybercriminalité, serait plutôt utilisé par les autorités contre leurs détracteurs du régime en place.
Ce décret-loi 54 n°. 2022-54, relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication, qui vise officiellement «la prévention des infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication et leur répression» et qui fixe des dispositions pour permettre aux autorités de «collecter des preuves électroniques», prévoit des condamnations à des peines sévères pour des infractions relatives à l’expression définies de manière extensive et vague, telles que «répandre de fausses nouvelles», explique HRW.
L’organisation de défense des droits de l’homme affirme, qu’en vertu de ce décret, deux activistes politiques d’opposition ont été condamnés à des peines de prison pour avoir critiqué les autorités. Les autorités s’en sont aussi servies pour détenir, inculper ou viser par des enquêtes au moins 20 personnes, dont des journalistes, avocats, étudiants… pour leurs déclarations publiques en ligne ou dans les médias.
HRW invite Tunis à abroger carrément ce décret, à remettre en liberté les personnes détenues en vertu de ses dispositions, ainsi qu’à abandonner toutes les poursuites engagées pour expression pacifique.
La directrice du bureau de Tunis de HRW, Salsabil Chellali, a fait savoir qu’«au cours de l’année écoulée depuis que le président a promulgué sa loi sur la cybercriminalité, les autorités tunisiennes l’ont utilisée pour museler et intimider un large éventail de personnes critiques, tout en utilisant d’autres lois pour détenir certains des plus sérieux adversaires politiques de Saied, sur la base d’accusations douteuses de complot».
Pour elle, le président Kais Saied et son gouvernement auraient pu adopter cette législation pour rendre le cyberespace plus sûr et protéger ses utilisateurs mais, au contraire, ils ont instrumentalisé le décret-loi 54 pour restreindre les droits des Tunisiens».
«La Tunisie devrait remettre immédiatement en liberté toute personne détenue pour s’être exprimée pacifiquement, abandonner les poursuites et abroger le décret-loi 54», insiste-t-elle.
Dans son communiqué, HRW détaille plusieurs cas des personnes détenues ou condamnées, en application du décret incriminé. «Avec un tel décret, aucune personne critique envers les autorités ne peut se sentir en sécurité», alerte Salsabil Chellali.